Lorraine

Les roupettes du loup

Un jour, à la fin d’une chasse, tous les chasseurs du pays messin (57) étaient réunis au pied d’un chêne. Un magnifique loup mâle, qu’on avait tué, gisait à côté d’eux.
— Maintenant, dit quelqu’un, il faut, selon l’usage, faire un bouquet avec les roupettes de l’animal et l’attachait à la casquette de l’heureux tireur.
En entendant ces paroles, le loup se releva et s’enfuit, aux yeux des chasseurs stupéfaits.

Eugène ROLLAND (1877)

Culâ

M. Richard décrit ainsi cet être fantastique à l’existence duquel quelques personnes croient encore.
Ne demandez pas quelle est la forme naturelle de Culâ, personne n’en sait rien. On a vu bien des fois Culâ, mais c’était sous une forme empruntée. Culâ est une espèce de Protée. Il n’apparaît qu’au milieu des ténèbres, que dans les moments où le ciel semble menacer la terre de quelque cataclysme. Culâ est sournois, ricaneur, méchant, hypocrite ; Culâ est presque ce qui n’est pas bon ; si vous êtes égaré près d’une rivière par un temps affreux, craignez Culâ ; il est là, sur le bord de la rivière, et se révèle à vous par une pâle lueur. Vous le voyez, il se glisse devant vous, il semble guider vos pas, il côtoie l’eau, vous éclaire de sa douteuse lumière qu’il change insensiblement, donnant à la terre la teinte de l’eau, à l’eau, la teinte de la terre ; prenez garde, il vous conduit, tout droit dans quelques gouffres.
Il apparaît aussi parfois sous la forme d’un bouc trempé de pluie, couvert de boue, grelottant, qui semble vous inviter à monter sur son dos pour passer une passerelle, un gué… Que de fois il a été vu sous cette forme sur les bords de la haute Moselle, dans le canton du Thillot !…
À Cornimont (88), on dit qu’il aime à s’approcher des personnes pieuses, qui prient avec ferveur, et qu’il suit en riant les pierres que les enfants jettent dans les étangs et les mares.
Au Tholy, on est persuadé que ce n’est que par de gros jurements qu’on peut le forcer à s’éloigner.
Depuis que les marais sont devenus rares, les feux follets qui s’en élevaient la nuit ont à peu près disparu, et avec eux Culâ, qui n’était autre que ces lueurs phosphorescentes. Dans les cimetières, les feux follets sont des âmes errantes.

X. THIRIAT (1878)

Le Vaux-de-Roche

Le vallon de Glais, qui prend sa naissance sous le fort de Blâmont (54) et qui traverse une partie de l’ancien comté de Montbéliard ou du pays d’Ajoie, est un séjour aimé des fées et des esprits.
C’est sur la riante vallée de Glais que débouche le vallon plus petit et plus resserré qu’on appelle le Vaux-de-Roche. Le val de Roche est un ravin tout peuplé de taillis et tout sauvage, qui n’aurait rien de remarquable pour le curieux, gravissant ses sentiers pénibles, si l’on ignorait qu’un esprit malheureux l’a choisi pour sa retraite.
J’ai descendu un soir son ravin privilégié, sans rien entendre d’extraordinaire qui m’avertit de sa présence. Il est vrai qu’il n’était pas tard et que je n’avais pas peur, deux conditions indispensables pour entendre les soupirs de l’Esprit. Autrement, j’aurais senti passer près de moi cette espèce d’âme en peine qui expie sans doute dans le désert les fautes d’une autre vie ; et son aile eût fait siffler l’air que je respirais, comme l’aile de la hulotte ou de l’orfraie. Le sylphe du Vaux-de-Roche ne parle pas à tout le monde.
On dit qu’en lui jetant un peu de beurre et de sel, on se le rend favorable, s’il est contrariant ou mauvais ; cela nous fait conjecturer qu’il ne vit pas absolument de l’air du temps, et qu’il s’accommode de loin en loin quelque sorte de cuisine, afin de varier son régime alimentaire, qui serait par trop austère pour un pénitent païen ou pour un demi-dieu, si tant est qu’il en est un.

Hippolyte MONNIER & Aimé VINGTRINIER (1874)

Le méchant seigneur de Busbach

De l’ancien château de Busbach (Budling - 57), il ne reste guère qu’une statue qui était et est peut-être encore encastrée dans le mur d’une ferme voisine de son emplacement. Elle représente un homme à demi-plié qui semble supporter avec peine une sorte de corniche. On peut lire sur celle-ci ISOPHEI.
Cette cariatide de la fin du XVIe siècle rappellerait, selon la tradition, un méchant seigneur de Busbach qui, ayant lassé la patience de ses voisins ou de ses vassaux par ses exactions, fut attaché dans cette position incommode et ainsi dévoré par les mouches.
Mais les archéologues, démolisseurs de légendes, prétendent que ce personnage un peu bossu, représenté en costume Louis XIII, ne serait autre qu’Ésope, ainsi que l’inscription permet de le croire.

Ch.-S. BRENTANO (1905)

Source de Saint-Rouin

La source Saint-Rouin, à l’entrée du village de Resson (55), a une origine surnaturelle. Ayant soif à son retour de Rome, le saint, fichant en terre son bâton de pèlerin, fit jaillir une source où il se désaltéra et qui depuis porte son nom.
Lors des grandes sécheresses, les habitants du lieu faisaient nettoyer par deux vierges le bassin très profond, et priaient Dieu de leur envoyer la pluie dont ils avaient besoin.

H. LABOURASSE (1902)

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