
Auvergne




Le marteau du maçon
Sur un plateau très élevé et voisin de Verneuil, on aperçoit de très loin les deux bourgs extrêmement rapprochés de la Féline et du Thé, (les orthographes actuelles sont Laféline et Le Theil 03) tous deux ayant des églises romanes à flèches très élancées.
On raconte que les couvreurs qui ont bâti ces clochers, travaillaient si près les uns des autres, qu’ils échangeaient leurs outils en travaillant. Écoutez les habitants, ils vous diront encore, sur la foi d’une légende, que le seigneur du Thé, voyant dresser la pyramide de la Féline, désira qu’un semblable monument s’élevât sur sa terre.
Il vint en conséquence trouver le maçon constructeur, et le pria de lui prêter le secours de son art pour bâtir une flèche. Alors le maître de l’œuvre, inspiré d’une pensée et d’une puissance divines, lança avec force son marteau dans la seigneurie du Thé, et l’église qu’on voit aujourd’hui apparut tout à coup à l’endroit même où le marteau était tombé.
Georges TOUCHARD-LAFOSSE (1841)
Les cruelles demoiselles
Pierre Mousset étant dans une auberge de Saint-Simon, canton nord d’AurilIac (15), un soir d’été de l’année 1632, paria, poussé sans doute par le vin, qu’il irait visiter les demoiselles que l’on savait devoir aller, cette nuit-là, danser au Puy-des-Dames. Ce sont deux petits monticules, situés sur la hauteur, en deçà d’un hameau nommé Salesses, assez rapprochés l’un de l’autre et couverts de longues herbes. Le pari engagé, notre jeune écervelé emporta sa musette sous le bras, et prit son chemin à travers les bois, du côté de Mazic. Circonstance singulière, quoiqu’il n’eût jamais cru aux fades, cependant il se surprenait mécontent de sa gageure, et s’arrêtait par intervalles, hésitant même s’il irait plus loin. Mais l’amour-propre l’emporta. Ft d’ailleurs. pourquoi craindre ? La nuit était si belle, la nature si apaisée ! Tant de sérénité calmait le jeune homme et rassurait son âme, un peu troublée peul-être, sans qu’il voulût se l’avouer.
Au sortir des bois, Pierre se sentit plus tranquille. Le ciel, chargé d’étoiles, agrandit à ses yeux son horizon immense, et, grâce à la clarté de la lune, il pouvait voir devant lui les objets les plus lointains. Partout régnait un grand silence ; on n’entendait que le bruit du vent courbant la pointe des arbres, et passant en murmurant, sur les prairies en fleurs. Pierre marchait toujours, et bientôt un pli de terrain le sépara seul du Puy-des-Dames. Quel fut son étonnement, lorsque, après l’avoir franchi, il distingua une douzaine de demoiselles, vêtues de blanc, qui dansaient autour du mamelon. Pierre prit son courage à deux mains, et avança bravement. Si le pauvre ménétrier avait eu toute sa raison, il aurait remarqué que les fées étaient pâles comme des fantômes, qu’elles dansaient avec une secrète langueur, sans sourire, et que chaque fois que leurs mains se touchaient, elles rendaient un son creux, pareil à des os privés de chair. Mais le jeune homme était trop animé pour y prendre garde. Il resta à la même place assez longtemps, immobile et muet de surprise, admirant la beauté des demoiselles, regardant leurs formes lascives qu’un simple tissu enfermait dans une prison transparente. Puis, ainsi qu’il l’a raconté lui-même, soit que cette danse en rond lui causât une espèce d’enivrement, ou qu’oubliant le lieu fatal, il se crut transporté au milieu des fêtes qui lui étaient familières, soit enfin, qu’une force invisible le poussât, Pierre prit sa cornemuse et se mit à jouer son plus bel air.
Mais à peine les sons vibrants de la musette eurent-ils éclaté, que plusieurs fées s’enfuirent effrayées ; d’autres disparurent sans que Pierre pût savoir comment, tandis que les deux dernières, moins peureuses, s’approchèrent en souriant et vinrent lutiner le museteur ravi. L’une prît son chapeau, l’autre, la plus jolie, s’empara de la rose que le jeune homme portait attachée au gilet. Celle-ci satisfaite, fit alors quelques pas pour s’en aller, non sans regarder Pierre d’une façon si agaçante et si profonde que le robuste Auvergnat frissonna jusque dans la moelle des os. Son parti fut bientôt pris : la fée était restée seule et fuyait lentement ; il se mit à sa poursuite, voulant ravoir son bouquet, et peut-être aussi demander quelque chose de plus, Cependant, bien que la légère fille ne parût pas précipiter sa marche, Pierre quoique courant, pouvait à peine l’atteindre, et quand il l’atteignait, – cette ombre fugitive, cette maîtresse impalpable, glissait entre ses bras, telle qu’use vapeur. Ils firent ainsi beaucoup de chemin, traversèrent le hameau de Salasses, plongé dans le sommeil, et arrivèrent jusqu’à une montagne assez escarpée, d’où l’on domine Belliac. À ce point, le ménétrier essoufflé. s’arrêta un instant et voulut rétrograder. C’était son bon ange qui l’inspirait sans doute. Mais alors la fée, passant rapidement à ses côtés, lui dit à l’oreille une parole si douce, que le cœur de Pierre tressaillit sous ce mot, comme l’épaule d’un forçat tressaille sous le fer rouge qui la brûle. Le pauvre garçon, fou de bonheur, n’hésita pas à s’aventurer avec elle dans les revers à pic Soudain, on entendit le bruit d’une chute ; mais ce bruit fut couvert par la brise qui continua à soupirer dans les chênes frémissants.
Le lendemain, on retrouva Pierre, le corps mutilé, la tête sanglante, n’ayant plus qu’un souffle de vie. Une main inconnue l’avait précipité du haut d'un rocher, et il était venu se briser à sa base. Prés de lui gisait la cornemuse encore à demi gonflée. Seulement, on ne put jamais retrouver le chapeau ni la fleur. Ce malheureux n’eut que le temps de raconter son aventure ; il demanda pardon à Dieu, reçut l’absolution du curé et trépassa.
DÉRIBIER DU CHATELET (1853)
Les mouches du Puy
Le noble docteur Geruaise (de Tilbury) dit que en Gaule a ung païs nommé Auvergne ou quel est située une cité nommée Anice autrement Le Puy (43).
Là est une moult sollemnelle église de Nostre-Dame et en la maison des chanoines d’icelle église a ung reffaictoire qui est donné d’une merveilleuse grâce ; car nulle mouche n’y entre, et si de cas d’aventure aucune mouche se boute dedans, elle est tantost contraincte de s’enfuir ou autrement là lui conviendrait mourir.
LEROUX DE LINCY (1836)
Les bœufs de Chamalières-sur-Loire
Chamalières (43) est un village du Velay, situé sur la rive droite de la Loire, au tiers de ce défilé qui va de la plaine de Vemplavès à la plaine de Pas. Il est bâti autour d’une église romane qui desservait un prieuré dépendant de l’abbaye du Bonestier.
Une légende raconte ainsi la part intelligente que prirent les animaux dans la construction de cette église.
Quand on bâtit l’église de Chamalières, on allait chercher la pierre dans une carrière de la montagne d’Archiac*. Une grande mule et deux bœufs blancs attelés à un char transportaient cette pierre. Ils faisaient le trajet sans conducteur. Ils montaient d’eux-mêmes de Chamalières à Archiac, et la pierre chargée, ils descendaient sans guide d’Archiac à Chamalières. Ils firent ainsi, jusqu’à ce que l’église fut achevée.
* Archiac ou Artias est sur la rive gauche de la Loire, au N.-E., et à trois quarts d’heure de Chamalières. La montagne est dominée par un château à qui l’imagination populaire a donné le nom de château de la Reine-Blanche.
V. SIERRA (1878)
Le rire de saint Amable
Quand saint Amable était enfant, il servait la messe du pape à Rome. Durant l’office divin, il se mit à rire, et, après la cérémonie, le pape lui demanda pourquoi. Saint Amable lui répondit :
— J’étais en esprit à Riom (63), ma ville natale, et j’ai vu un maçon qui, en construisant une maison, s’est contusionné le doigt contre une pierre. Il a porté ce doigt à sa bouche, et c’est ce qui m’a fait rire.
Le pape répondit :
– Amable, tu es plus vertueux et plus saint que moi.
Dr F. POMMEROL (1898)
Le faux serment
Un homme fut appelé devant le juge de Chamalières (43) qui lui fit lever la main et prêter serment de dire la vérité. Il leva la main et mentit. Quand il voulut rabaisser son bras, il ne le put, et toute sa vie, il garda le bras levé dans l'attitude qu'il avait au moment du serment.
V. SIERRA (1878)
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